« Les visages de la ruralité »

Claude Philippot, patrick kuhn, pierre faurE, boris didym, mathilde dieudonné, baptiste cuzzupoli (& victoire vincent, mélanie tisserant), ludmilla cerveny, jean-yves camus
Pierre van tieghem (écrivain)

du 17 novembre au 24 décembre 2022
14h-18h
fermé lundi et mardi 

VERNISSAGE LE JEUDI 17 novembre À 18H30 – galerie du cri des lumieres – CHÂTEAU DE LUNÉVILLE -commun sud

« Les Visages de la Ruralité »

Depuis la moitié du vingtième siècle le monde rural européen est au cœur d’une transformation radicale en grande part liée aux bouleversements du mode de production agricole et du statut des paysans. L’accroissement significatif de la production agricole, de manière spectaculaire à partir de cette moitié du vingtième siècle, a eu le grand mérite de garantir une sécurité alimentaire renforcée tout en allégeant la charge du travail, parfois pénible, que cette tâche nécessitait autrefois. Ce bouleversement du mode de production agricole a également mis en valeur le savoir-faire de la classe paysanne.
Mais le prix « à payer », au-delà des dérives environnementales et économiques, a été la mise à mal d’un modèle social et culturel lié à un monde rural qui plonge ses racines loin dans le temps. L’Europe rurale du dixième au douzième siècles est le lieu d’une croissance démographique et économique sans précédent. C’est sur la base de ce développement que se constitue le visage rural de l’Europe d’aujourd’hui, avec ses villages, ses zones cultivées et ses lisières forestières. Pour l’essentiel, les paysages en France ont été façonnés pendant des siècles, génération après génération, par ses paysans, étymologiquement gens du «pays», territoire qui peut se reconnaître à pied en l’espace d’une journée.
Ce modèle dans lequel la dimension communautaire était particulièrement présente autour d’un mode de production soucieux de son environnement naturel, a fait place à une société de plus en plus individualisée où les rapports entre les habitants se sont distendus. Après la seconde guerre mondiale le déplacement de plus en plus marqué des populations rurales vers des zones urbaines et péri- urbaines, déplacement lié à la montée en puissance d’un monde urbain «prometteur» et pourvoyeur d’emplois tertiaires et industriels, d’un mode de production agricole mécanisé nécessitant de ce fait de moins en moins de main d’œuvre et un accès à l’éducation pour un nombre croissant d’individus, a amplifié cette transformation progressive du modèle rural.
Aujourd’hui dans de nombreux pays développés la société rurale vit entre la nostalgie d’un monde disparu et la volonté d’expérimenter de nouvelles manières de vivre en dehors des espaces urbains et péri- urbains. L’espace rural contemporain est ainsi devenu le territoire où coexistent des réalités contradictoires, paradoxales, complémentaires, complexes. A un modèle relativement exclusif organisé autour de la famille, de la communauté, des traditions, de valeurs partagées, sans être pour autant toujours acceptées par l’ensemble des individus, a succédé un empilement d’expériences et de situations différenciées, une juxtaposition d’histoires individuelles, des formes de sociabilité qui passent tout autant par les nouvelles technologies, les réseaux informels que par des formes plus traditionnelles.
Dès l’origine de la photographie de nombreux photographes ont porté une attention particulière à représenter les multiples facettes de la ruralité et la liste est longue des artistes qui ont produit des œuvres fécondes tant du point de vue formel que de la diversité des thèmes abordés. L’ambition de notre projet est d’offrir à des photographes la possibilité de poursuivre ce travail de « radiographie » de la société rurale.
Dès sa création, le CRI des Lumières a manifesté le souci d’ancrer une part importante de son action au coeur du territoire où il se créait, tant dans ses aspects humains que paysagers. Ainsi ont rapidement émergé en zone rurale des résidences d’artistes photographes, prolongées par leur encadrement d’ateliers de pratiques artistiques à destination des jeunes comme des adultes.
Trois pivots articulent « Les visages de la ruralité » : C’est d’abord un constat sur l’environnement, avec un regard particulier porté sur le paysage naturel , façonné par l’activité humaine et sur le bâti patrimonial, qu’il soit particulier ou lié à l’activité économique actuelle, comme les exploitations agricoles. Puis l’humain est au coeur de ce projet, il est important d’y associer les habitants, de les faire participer par le biais d’ateliers artistiques, de concertation et d’échanges lors de restitution du travail. Pour finir chaque action est confiée à un artiste retenu pour la pertinence de son travail, il a toute liberté pour sa création et pour initier des projets avec les habitants.
Notre point de départ dans le développement de cette aventure humaine concerne les individus qui habitent les territoires et non l’inverse. Nous cherchons d’abord à enrichir l’épanouissement de la personne à travers les pratiques culturelles, ce qui implique de penser la culture comme partie intégrante de la vie quotidienne car la culture s’apparente à la pratique effective du monde et permet « l’idée de la construction de soi ». Ici, nous souhaitons que les citoyens participants à notre projet deviennent eux-mêmes acteurs et créateurs de la culture afin qu’ils ne soient plus les destinataires d’une culture déconnectée de leurs préoccupations et de leur existence. Nous sommes donc allés sur le terrain des zones rurales, où la nature est au centre de tout, rencontrer directement le public pour traduire ces objectifs en actions concrètes afin d’encourager le potentiel créateur de la population rurale. Cette vision de la culture confère à la politique culturelle une véritable portée créative et sociale, la culture, considérée sous cet angle, peut alors contribuer à une meilleure intégration des individus, au renforcement de l’identité culturelle et à la revitalisation des liens sociaux.
Dans les années à venir nous souhaitons enrichir encore un peu plus ce projet d’envergure afin de créer un « véritable corpus » sur le monde de la ruralité, témoin de son temps, des mouvances et des mutations de ce début de 21ème siècle.

partenaires

En partenariat avec le Ministère de la culture, la Région Grand Estle Conseil Départemental de Meurthe-et-Moselle, le Château de Lunéville.

© Claude Philippot